Ampleur du mouvement contre mensonges et illégitimité du gouvernement
Mardi à l'Assemblée nationale, François Fillon estime que le mouvement contre la réforme des retraites «plafonne, commence à s'essouffler», avec «jamais plus d'un million de personnes dans les rues», mais que, parallèlement, «il se radicalise».
Voilà résumée la position du gouvernement depuis le début de la mobilisation : minimiser la contestation ; dénoncer son ampleur et sa profondeur dans la population.
Essouflement ?
Prenons l'exemple du pétrole. Dimanche 17, François Fillon déclarait encore qu’il n’y aurait pas de pénurie d’essence. Le soir même, il devenait difficile de trouver une station approvisionnée. Les préfets envoyaient les gendarmes ouvrir les dépôts et réquisitionnaient des gréviste dans la raffinerie de Grandpuits.
Avec le soutient des manifestants la raffinerie a été rebloquée et la direction de Total obligée d’accorder le seul approvisionnement des hôpitaux et services d’urgence, ce qui était réclamé par les syndicats. Les dépôts dégagés par la force sont à nouveaux fermés par les manifestants ou bloqués par des camionneurs. Pas d’essoufflement donc, mais un mouvement qui dure et se diversifie.
Jamais plus d’un million de personnes ?
Le 12 octobre il y avait 1.2 millions de manifestants selon la police, le 19, 1,1 millions. Plus que pour le CPE où 1 million de manifestants selon la police ont forcé le gouvernement a retiré la loi qui était votée par l’assemblée.
En déclarant qu’il n’y a jamais eu plus d’un million de manifestants, le gouvernement ment même par rapport à ses propres chiffres, qui par ailleurs ne sont pas toujours ceux de la police, selon un syndicat policier de Marseille. Il détourne les pourcentages de grévistes. On imagine donc qu’il minimise le nombre de lycées en grève comme il a nié jusqu’au bout la pénurie d’essence.
Qu’en pense la population ?
D’après un sondage CSA, 71% des français soutenaient le mouvement de mardi 19, dont 81% des 25-29 ans et 79 % des 30-39 ans. Les 29% qui ne le soutiennent pas correspondent au nombre aux 11 millions de français qui ont voté pour Nicolas Sarkozy au premier tour. Il n’est tout simplement pas possible que ces 21% servent de justification à imposer une loi impopulaire aux trois quarts restant. D’autant plus que le citoyen candidat assurait en 2007 que le droit à la retraite à 60 ans devait demeurer.
Cette réforme est donc profondément illégitime. Comme l’ensemble des médias et de la classe politique lors du referendum contre le TCE, referendum volé deux ans plus tard, tout ce que le rocambolesque Éric Woerth trouve à dire c’est qu’il lui faut «mieux expliquer la réforme». Mais, comme en 2005, l’invalidité des arguments du gouvernement a bien été démontrée, qu’il s’agisse de la thèse du vieillissement de la population ou de celle du financement des retraites. Ce n’est pas grave, le ministre du travail déclare sereinement qu’il n’y aura pas de grenelle des retraites, c’est à dire aucune participation un tant sois peu démocratique à cette réforme majeure.
Radicalisation ou exaspération générale ?
Les camionneurs ont déclaré qu’ils soutiendraient le mouvement en souvenir du soutient qu’ils avaient reçu pendant leur grève et parce que la retraite n’était que la goutte d’eau qui faisait déborder le vase. Ainsi le gouvernement appelle «radicalisation» la participation de plus en plus grande de la population et des travailleurs a ce qui sera probablement la plus grande opposition politique du quinquennat.
La jeunesse qui avait fait reculer le gouvernement de Villepin en 2006 a rejoint le mouvement. Le gouvernement et les médias réussissent à imposer la séparation de la jeunesse en deux et l’essentiel de l’intervention du président ce mardi était la promesse de réprimer les «débordements». Depuis la dalle d’Argenteuil jusqu’aux expulsions de roms, c’est toujours la même obstination dans la volonté de criminaliser la population déjà la plus touchée économiquement. Le racisme comme justification de l’injustice sociale, voilà à quoi se résume la politique depuis la loi de 2004 sur le foulard.
Ainsi les force de police affrontent vaillamment le mouvement lycéen, provoquant plusieurs accident comme ceux de Montreuil et Caen, quand les forces de l’ordres tirent au FlashBall sur des gamins. Voir provoquennt elles-mêmes les débordements, justifiant ainsi la politique sécuritaire. Dans le même temps le gouvernement tient un autre double discours : effrayer la France et les parents d’élèves par la répression et la télévision et la rassurer en demandant à ses troupes de bien se tenir.
Perspectives
Quand on sait que son frère s’est récemment reconverti dans l’assurance santé et retraites, on comprend mieux pourquoi le président est à l’aise en affirmant qu’il ne cédera pas. Quitte à mentir éhontément jusqu’au bout. «Une heure avant de céder, ils jureront encore qu’ils ne cèderont jamais.»
Après les retraites, c’est la privatisation de la sécurité sociale qui est prévue. Pas question de ne pas la laisser aux marchés. L'enjeu de cette mobilisation est énorme, gagner maintenant c’est prendre une marge d’avance pour contrer toute la casse du système social qui est programme.
Le pays n‘acceptera ni l’illégitimité de la réforme ni celle d’un gouvernement qui s’obstine dans le mensonge en même temps qu’il s’attaque à la liberté de la presse. Comme Marie-Antoinette proposant de la brioche, ce gouvernement est complètement aveugle sur la situation politique et sociale en France. En s’obstinant à nier l’évidence et à camper sur des positions intenables, le gouvernement montre sa faillite à comprendre que la colère dépasse le cadre de la réforme des retraites. Associer gestion policière et racisme a toujours été sa seule défense, mais la France n’est pas l’Italie de Berslusconi et ne se laissera pas faire.
Les peuples de Grèce, d‘Irlande, d’Espagne et d’Islande ont vu les marchés leur imposer un grave retour en arrière. Ces politiques d’austérité vont de pair avec la privatisation programmée de toute l’Europe. N'oublions pas que la réforme des retraites est faîte sous la menace des marchés de dégrader la note AAA de la France. Dans ce cadre de montée de la pauvreté et du racisme, la possibilité de gagner un large front social en France est un bol d’air pur longtemps attendu.
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