Shoota Babylone hors de l'espace publique‏

Publié le par Desbabas

A partir de quelques trous dans un jean dans le métro, me vient beaucoup à dire sur une réflexion que l'on m'a faite. Si le départ anecdotique est lieu commun, j'espère que la suite l'est moins.

Cette réfexion parlait de l'importance du symbole en politique, et de la conséquente impossibilité pour Ilham de représenter le NPA.

Ce jean m'a rappelé combien ici à Paris cette importance du signe est vraie, et j'imaginais déjà son porteur se contempler devant la glace pour voir si les trous lui seyaient bien. Le moindre habit ici est un positionnement, une marque d'identité, et même le refus par un style classique deviendra inévitablement un démarquage. La norme est tellement intégrée que seule la couleur du papier peint et le modèle de la voiture nous différencient. D'où cette course au symbolique pour s'établir une identité ? Volkswagen ou Mercedes ?

Cette réflexion est assez courue. Elle n'aurait pas plus d'importance si le discours politique ne s'était intéressé récemment au sens de la mode vestimentaire dans l'espace public, et non plus seulement dans sa représentation télévisuelle.

Je trouve que cette focalisation spécifique sur le voile, loin d'éloigner le religieux de l'espace public en marque plutôt l'investissement. Plus le démarquage vestimentaire prend du sens dans l'imaginaire collectif, plus il devient nécessaire d'en éloigner une partie pour légitimer l'autre.

Le signifiant commence à prendre tellement de place que le discours qui cherche à ne dénoncer du religieux que sa face visible manque terriblement de conséquence. Et cela me gène. Quelque part ce sacrifice symbolique de la figure de l'étrangère marque la sacralisation de l'espace public, et nous voyons encore une fois que le sacrifice est le départ de tout système religieux.

On pourrait se contenter d'instruire pour rendre libre, d'aider à vivre mieux, ce que l'on appelait faire du social. A la place, on nous éduque à respecter la norme pour mieux nous intégrer dans la république, c'est à dire que le religieux reste, comme il l'a toujours été, le fondement de l'institution. Il faudrait donc étudier comment l'idéalisme bourgeois a réussi à transformer émancipation en discours républicain. Encore une fois, la nécessité de séparer socialisme et bourgeoisie progressiste.

Que les faux picts écolos-régionalistes et les faux pygmés tribalo-identitaires d'une part, et les vrais bourgeois qui portent le culte de la république agrafé à la boutonnière d'autre part, ne viennent pas me faire croire qu'ils cherchent à dévoiler quoi que se soit, mais bien à briser le miroir. Ce qu'il y a d'insupportable dans cette rivalité religieuse, dans l'image que nous renvoie cette religion étrangère, c'est le risque de mettre à nue ici aussi la prostitution du religieux avec l'état.

On occulte le fondement culturel de l'état, comme on occulte les mouvements sociaux comme moyen de changement et l'internationalisme comme facteur de désintégration du culturel. Car il y la culture qui est l'expression empirique de la réalité humaine, qui demande une lecture, que l'on peut analyser et comprendre. Et la culture qui est la survivance du religieux et qui demande à être cachée. Pas étonnant que l'ésotérisme, l'explication du monde par lui même, livrée à ses futurs adeptes, soit en tête des ventes de livres dans un système qui crache sur toute révélation du sens de ses symboles.

Un jour on masque la hiérarchisation, l'autre on la justifie, c'est toujours la même course pour le sommet..

Le voile du temple déchiré, l'exposition de la violence et du mensonge comme fondement du pouvoir, voilà qui est bien plus révolutionnaire que le voile arraché d'une femme humiliée. Parce que son fonctionnement est exposé, le religieux perd de la valeur, c'est ce que l'on nomme le progrès. Mais parce que la bête est blessée elle devient d'autant plus violente. D'où les massacres insupportables.


Shoota Babylone


« Ne réclame pas tout ce que voit ton œil » et « ne te construis pas des illusions » passent pour être des commandements réactionnaires ? Qui peut avoir ce discours sinon celui qui cherche à vendre ses artifices ?

Pour améliorer ou changer la société, il faudrait déjà réussir à ébranler les fondements du monde. C'est peut-être ce qui explique la primauté du débat philosophique. Aider à montrer qu'il faut protéger l'homme et pas l'état, que l'espace public appartient à tout le monde, qu'un homme égal un homme au delà de tout symbole. Il y a donc un combat à mener pour que la montée d'une pensée internationaliste empêche un nouveau Heidegger d'en appeler au feu sacré. C'est à cette condition que nous pourrions aider à la masse à avancer vers la démocratie quand d'autres appellent la foule au lynchage.


Socialisme ou barbarie ? سلم عليكم Hasta la revolucion

 

Publié dans Démystification

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