Les pièges du système technicien : démonstration par l’exemple des Vélo’V.

Publié le par Antoine

Blog Deconstruire Babylone

Avant de laisser les publicitaires mettre en place les vélos en location à Paris,
regardons ce qu'ils ont fait à Lyon.

Voici un article paru dans la revue Silence n°338 de septembre 2006. et sur le site rebellyon.info.
Les pièges du système technicien : démonstration par l’exemple des Vélo’V

Nombreux sont les nouveaux objets high tech, surfant sur la mode du développement durable, prétendant oeuvrer à une action écologiste : panneaux solaires améliorés grâce aux nanomatériaux , système de location de vélos rempli de puces électroniques, voiture propre, poubelle identifiée, détecteur électronique de pollution, éoliennes industrielles, piles à combustibles... On en arriverait presque à croire que la technologie pourrait arriver à réparer les dégâts commis par des dizaines d’années de développement de la société industrielle. Que le serpent pourrait se soigner la queue.

Ce ne saurait voir que la partie immergée de l’iceberg. Eh bien non, ces objets n’ont rien d’écologistes, et constituent en réalité une vaste duperie. Au risque de se faire taxer de "jamais content" ou "d’éternel opposant", étudions les tenants et aboutissants du développement de chaque nouvelle technologie afin de mettre au grand jour leur perversité. Démonstration par l’exemple des Vélo’V.

Puces and veLo’V

En novembre 2004, le Grand Lyon (la communauté de communes) signe un contrat avec la société JC Decaux , le plus grand des publicitaires, qui prévoit la mise en place de 2 000 vélos en libre service. En contrepartie, Decaux se voit attribuer le marché du mobilier urbain (les panneaux de publicité et les abribus) pour 13 ans.

Concrètement, un peu partout à Lyon et Villeurbanne , grâce à sa carte bleue, chacun peut prendre un vélo dans n’importe quelle des 200 stations et le reposer dans n’importe quelle autre. La première demi-heure est gratuite puis chaque heure coûte 1 euro. Les Vélo’V sont bourrés de composants électroniques, vérifiant la pression des pneus, la tension des freins ou le bon fonctionnement des phares. Dès qu’un capteur détecte une anomalie, le vélo reste attaché à sa borne, grâce à un système d’attache particulièrement lourd intégrant une batterie électrique. Bien entendu un système GPS permet de savoir à toute heure où se trouve chaque Vélo’V. Les nombreuses dégradations (involontaires et volontaires) subies par ces vélos font travailler quotidiennement une équipe de 33 personnes dans un atelier de maintenance. D’autres, en camion, déplacent les vélos des stations pleines à celles vides. Les fameuses stations encombrent les trottoirs même à vide, prenant deux fois plus de place que des vélos normaux. Un Vélo’V pèse, notamment à cause de son cadre d’acier, entre 22 et 23 kilos, soit près du double d’un vélo normal. Selon JC Decaux, chaque vélo lui revient, entre l’achat et l’entretien, à 3 000 euros.

Mis en place au printemps 2005, ce système a rencontré un vif succès auprès des lyonnais. Et les élus de se féliciter des 50 000 abonnés, des 10 000 à 20 000 locations par jour ou des 40 000 km quotidiennement parcourus. Une bonne partie des écologistes s’est réjouie de ce nouveau système, célébrant une "victoire de leurs idées". Silence a notamment publié plusieurs brèves élogieuses, insistant sur la généralisation de la pratique du vélo permise. Cela ne fait que quelques mois que des voix critiques se sont faits entendre, entre autres par plusieurs articles de l’association Pignon sur Rue , du site d’informations alternatives Rebellyon.info [1] ou par un courrier des lecteurs paru dans Silence n°334.

Parmi les critiques retenues, passons rapidement sur la lourdeur des vélos, leur coût très élevé ainsi que l’importante quantité de matières nécessaires à leur fabrication. La place prise par les stations sur les trottoirs, l’inadaptation des vélos, les dysfonctionnements réguliers et le manque de fiabilité du procédé, sont à ranger dans le tiroir des critiques de second plan. Quant au financement de ce système par un publicitaire, profitant de l’aubaine pour augmenter le nombre d’espaces réservés aux annonceurs (sucettes et abribus), assurant donc par la même la promotion de la voiture, cela devrait définitivement désillusionner n’importe quel citoyen averti à propos du bien fondé des Vélo’V.

High tech partout, autonomie nulle part

Mais ce qui mérite notre opposition la plus vive, c’est le renforcement parmi la population de la dépendance à l’égard de la technologie. C’est la banalité de l’intrusion du high tech, et plus particulièrement des petites puces, dans chaque objet quotidien.

Roulez, vous êtes fliqués ! Grâce aux puces et au GPS, on peut en effet connaître tous les déplacements de chaque utilisateur de Vélo’V. "Mais, nous répond-t-on, fliqués, nous le sommes déjà, par l’utilisation de notre carte bleue, de notre téléphone portable, de notre carte de transports commun lisible à distance...". Effectivement, nous le sommes déjà. Est-ce une raison pour accepter de l’être une fois de plus ? Ne devrait-on pas plutôt se servir de chaque arrivée d’un nouveau type de flicage pour mieux le dénoncer et remettre en cause les précédents ? Sommes-nous résignés à la surveillance permanente, omniprésente et sournoise ? À être tracés dans nos achats, nos déplacements, nos activités, nos contacts... dans les moindres aspects de notre vie sociale et quotidienne ?

L’apparente simplicité de la pratique a certes permis l’accession aux déplacements en vélo de beaucoup de personnes non initiées. Mais en généralisant la pratique du vélo, le Vélo’V l’a surtout pervertie. La bicyclette est à la base un instrument d’autonomie : elle permet de se déplacer quand on veut, où l’on veut ; sa mécanique est assez simple pour permettre des réparations individuelles. Avec les Vélo’V, les cyclistes ne sont plus acteurs de leurs déplacements, mais sont infantilisés pour devenir, une fois de plus, de simples clients : il n’y a rien à faire, on ne peut pas les réparer, il suffit juste de s’en servir en échange de supporter des centaines de publicités le long des rues. Finie l’angoisse de la crevaison de pneu, boujour la peur de la panne électrique. S’il est certain que le Vélo’v peut être "bien pratique", notamment pour les gens de passage sur Lyon, son utilisation régulière transforme les déplacements en vélos en actes marchands et robotisés.

Ni puces, ni soumises

Les Vélo’V nous apprennent beaucoup sur les logiques de ce monde dominé par la fuite en avant technicienne, où l’on croit pouvoir résoudre les problèmes sociaux et écologiques par des solutions techniques. Une attitude courante, assez répandue parmi certains écologistes, consiste à rejeter les applications les plus choquantes des dernières avancées technologiques, tout en en approuvant d’autres, sous le prétexte qu’elles lutteraient, par exemple, contre la pollution : nanopuces permettant de détecter la présence d’OGM , piles à combustibles, voitures moins polluantes... On retrouve ici le mythe de la technique-bienfaitrice-qui-va-sauver-la-planète. Sauf que quand on parle des solutions qu’une technologie apporte, on occulte les problèmes qu’elle crée. L’étude approfondie de chaque technologie de pointe nous pousse à croire que le high tech est avant tout un fiasco écologique. Et quand bien même il ne le serait pas, il faudrait quand même le rejeter car le monde qu’il crée ne s’arrête pas aux seuls problèmes environnementaux ou sanitaires. La société industrielle entraîne aussi - et surtout - des dégâts sociaux et humains.

Nous ne voulons pas d’un monde tout propre, tout beau, tout lisse, et entièrement sous contrôle. Sous contrôle des puces détectant n’importe quel mal. Sous le joug des technologies nous maintenant en survie dans un univers vide de sens. Nous pensons qu’il est impossible de séparer le bébé de l’eau du bain. D’avoir les bons côtés d’une technologie sans en avoir les mauvais. Pour lutter contre les conséquences, nous voulons avant tout supprimer les causes.

Non à la prolifération des puces ! Vive les pneus crevés !

[1] Ndm : Voir les articles de Rebellyon sur les vélo’v dans la rubrique Écologie - nucléaire - Alternatives et dans la catégorie Analyses - Réflexions .


Voir aussi ces articles :

Et sur les puces : RFID et Verichip

Publié dans Démystification

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C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com)No-18: PARADOXE FERMATON. - Les pièges de la raison.<br />
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W
Bonjour,Là je pense qu'on tombe dans le paranoïaque... Je suis sûr qu'après avoir écrit ton article, tu as pris bien gentiment ta voiture. On ressent un fort complexe chez toi face aux nouvelles technologies, manifestement généré par le fait que tu n'y comprends pas grand chose. Des puces GPS, haha... Sache que malgré tout, j'utilise souvent Vélov, et que je vais avec mon vélo chaque jour au boulot. Des petits cons dégradent les vélov chaque JOUR. Sans ces puces, les équipes de vélov ne pourraient les réparer, et le service serait inutilisable.Et oui, car les puces que tu décries transmettent les informations de panne à un central pour optimiser le travail des agents d'entretien. Mon pauvre... Ton monde doit être bien triste pour être sous la dictature d'une puce...
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J
en velo, nous serions fliqués, soitquelle est alors la solution ? prendre les transports en commun, mais notre abonnement aussi nous flique, il faut alors se battre contre le systeme de puces et pas faire un article disant que le velov n'est pas une solutionun autre moyen est de prendre sa voiture, effectivement, on est "libre" et non fliqué mais on pollue, donc entre être fliqué et polluer, mon choix est fait, le monde parfait n existe pas, il faut donc choisir le moins mauvaisensuite, effectivement, le velov est une solution pour les gens de passage mais surtout il a permid de montrer aux lyonnais que le velo peut etre une solution aux problemes de deplacement, rien n'empeche donc de s'acheter un velo a 15-20€ plus leger, sans electronique et sans les eternels soucis de "y aura t il un velo dispo?" ou "y aura t il une place pour laisser mon velo?"certes le velo v n'est pas parfait, mais vous critiquez des choses qui existent depuis des annees donc, soit vous attaquez le TOUT, soit vous acceptez tout, mais je vous en prie, arretons de detruire l'une des seules initiatives privees-publiques (qui enrichissent c'est vrai decaux, mais on s'en fout, tant que ca nous profite aussi, ou est le probleme) qui rencontre un succes populaire
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P
Il n'y a pas de GPS dans les Vélo's, je ne sais pas d'où vient cette rumeur... Vous discutez d'un problème qui n'existe pas! C'est dommage d'ailleurs, car il serait souhaitable qu'il y en ait. Ceci permettrait de mettre en place un système totalement indépendant des stations, sans bornes et sans bornettes. La Nature est polluée à cause de la plaquette de silicium contenue dans les Vélo'v? Certainement moins qu'avec tous les métaux contenus dans l'ordinateur qui vous a servi à écrire ce commentaire inapproprié. Vous passez complètement à coté de la question, qui n'est pas comment ne pas polluer, mais comment polluer le moins possible... Pour Big Brother, il n'a pas attendu les Vélo'v pour savoir où vous êtes, en rédigeant votre commentaire depuis un ordinateur on le sait déjà, et c'est vous donner trop d'importance que de penser que l'endroit où vous êtes en vélo intéresse quelqu'un, on s'en fiche bien éperdument... Vous vous évertuez à inventer des problèmes là où d'autres on trouvé des solutions!
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T
Bonjour,Cet article fort intéressant soulève la question du bien fondé de la généralisation de l'emploi de l'électronique et des hautes technologies dans la vie quotidienne. Il est évident que l'omniprésence de l'électronique et la surveillance permanente qu'elle permet de la part des autorités est inquiétante et inacceptable. Cependant, plutôt que de refuser de façon systématique les objets et systèmes munis de dispositifs électroniques, il serait nécessaire de considérer d'une façon plus fine et plus détaillée les enjeux de l'utilisation de l'électronique. Dans le cas du système Vélo'v de Lyon, il est clair que l'incitation des citoyens à utiliser le vélo plutôt que la voiture est une très brillante solution : le vélo est moins dangereux que la voiture, moins polluant, permet à l'utilisateur d'avoir une activité physique favorable à son maintien en bonne santé. A technologies égales, la généraliasation du vélo face à l'emploi de la voiture et une aubaine que l'on ne peut rejeter.Cependant, ici, le problème est celui de la présence d'électronique dans les vélos et l'absence d'autonomie qu'elle entraine pour l'utilisateur. Il est clair que la surveillance de la position du vélo dans l'agglomération est un problème, car combinée à l'emploi de la carte bleue d'un utilisateur, elle permet de suivre quasiment en temps réel le déplacement de celui-ci. Big Brother s'attaque à présent aux cyclistes : on ne peut tolérer cela.De plus, l'auteur de l'article évoque du problème écologique entrainé par la présence d'objets électroniques, mais - ce qui me déçoit - n'entre pas dans les détails. Je vais donc compléter ce point de l'article. Les circuits électroniques sont faits à base de silicium, un matériau très courant sur terre et chaque circuit est destiné à un seul type d'appareil (question de fonction que l'appareil doit assurer, de précision, de taille de l'appareil et de normes auxquelles sa contruction est soumise). En cela un circuit électronique est créé pour une utilisation unique (bien qu'elle dure dans le temps, bien entendu) et devient hautement polluant et du fait de sa faible taille et de sa complexité, extrêment difficile à recycler, sans dépenser des quantités folles d'énergie (qu'il faut par ailleurs produire, ce qui participe du même problème écologique, mais que je ne développerai pas). Par conséquent, cette multiplication des objets électroniques dans ces mêmes Vélo'v va à l'encontre de l'objectif (apparament) écologiste (on a compris que ce n'était pas le seul objectif, mais c'est, dans notre discussion, le plus intéressant) de la mise en place du réseau Velo'v.Il est alors clair que l'emploi de tant de dispositifs électroniques dans les Velo'v n'est pas justifié par des raisons écologiques, mais bien par des raisons politiques et économiques. En revanche, pour le bon fonctionnement de ce système de location de vélo si bien imaginé qu'il devrait être généralisé à toutes les villes du monde, il est nécessaire d'implanter du matériel électronique, ne serait-ce que pour permettre l'automatisation de la location (je sors ma carte bleue, je l'introduit dans un lecteur, je paye, le vélo est libéré de son support, je pars avec : c'est tellement simple et pratique !). Cependant, il est nécessaire d'utiliser des dispositifs moins élaborés. Je prends des exemples dont je ne suis pas sûr qu'ils concordent avec la réalité, mais ils sont cohérents est explicitent bien mon idée. L'auteur dit que les vélos sont munis d'un dispositifs GPS pour savoir où ils se trouvent. Or, il suffirait amplement de savoir si les vélos sont restitués à une station et non perdus dans la nature : il suffirait alors de munir chaque vélo d'un numéro contenu... dans une puce, et de ne procéder à sa détection que lors de son installation dans les stations de départ et d'arrivée. On saurait si le vélo est disponible ou perdu, avec un dispositif plus simple d'un point de vue électronique, moins imposant, nécessitant moins d'énergie et d'entretien. Il en découlerait donc une réelle économie d'énergie et une protection de l'environnement résultant de l'utilisation du vélo et de la réduction du matériel électronique.En cela l'emploi de vélos munis de dispositifs électroniques resterait un bon concept qu'il serait alors possible de généraliser à d'autres villes, notamment à Paris, dont il est bientôt question. Quant aux problèmes de fonctionnement, inhérents au fait que le concept du Vélo'v soit tout récent, disparaîtraient grâce à l'expérience qu'en retiendraient les créateurs.Ne pensez-vous donc pas qu'une telle utilisation de l'électronique, c'est à dire simplifiée, ne rendrait pas légitime la poursuite du programme Vélo'v ?Ne pourrait-on pas généraliser cette discussion à d'autres secteurs ? Je ne connais pas ce site, c'est la première fois que je le consulte, il me semble que cet article est classé dans une section destinées aux discussions sur des problèmes liées à l'écologie. Que dire alors de la volonté de généraliser la construction d'éoliennes et de panneaux photovotaïques, eux aussi construits dans des matériaux non-recyclables, face à la prolifération de l'énergie nucléaire civile qui génère d'immondes et inextricables déchets ?Merci d'avoir lu.Thom
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