"Misère du nietzscheisme de gauche", Aymeric Monville
Excellent livre, Aymeric Monville, "Misère du nietzschéisme de gauche, De Georges Bataille à Michel Onfray". Un peu court pour être exhaustif et rigoureux, cependant il permet d'articuler un certain nombre de points.
Un bref exposé de comment des penseurs de gauches sapent l'importance de la lutte des classes comme compréhension de la société capitaliste. A l'espoir d'une révolution portée par la classe opprimée, ils préfèrent des micros révolutions comportementales plutôt bourgeoises, en tout cas néo-capitaliste, c'est à dire de sa nouvelle forme financiere (celle qui rentre par Giscard en France). Un oubli complet de "united we stand, divided we fall". On retrouve cité Michel Clouscard bien entendu, mais j'aimerais rajouté ici "La Métamorphose du bourgeois" de Jacques Ellul, qui déjà avant 1968 présentait l'idéal du bonheur et le jouissez sans entrave comme un accomplissement essentiellement bourgeois (et donc un leurre pour les autres, "qui jouit et de quoi ?" demande Aymeric Monville). La transformation de la bougeoisie foncière patriarcale en une bourgeoisie financière pseudo-nomade qui asservit idéologiquement le secteur tertiaire et les classes moyennes par le bonheur de la consommation de masse.
Il présente comment Nietsche balance "d'un coup d'épaule" toute la philosophie avant lui, de Socrate à Hegel. "Avec les juifs commence le soulevement des esclaves dans la morale". C'est ce que rejète Nietzsche. Et cette idée ne peut effectivement pas être de gauche. Un anarchiste a montré l'importance de ce point, Les pogroms débutent dans la tête - Wolfgang Haug.
Vers la fin, l'auteur s'attache a montré que "on n'a aucun besoin d'avoir lu un philosophe pour être influencé par lui dans sa vision du monde (...)" [citation très drole par la suite de Georges Lukacs, le philosophe hongrois]. Il montre comment la pensée de Nietzsche se developpe danns la conscience collective par sa banalisation à différents niveaux éditoriaux et médiatiques. Non pas qu'il s'agisse d' "un complot de l'inteligentsia contre le peuple de France, mais de cerner la domination de classe par où elle s'exprime le plus explicitement". - Cette phrase est importante, car en même temps elle montre une certaine proximité de pensée entre le fascisme et le communisme, pourquoi il est logique que le premier construise sur les ruines du dernier, en même temps elle montre la ligne de demarcation, la lutte des classes et les contradictions qu'elle révèle, qui sont des outils de decryptage bien utiles, reposant sur une comprehension materialiste de la situation pour ne pas s'égarer dans le fumeux. - D'ailleurs cette partie du bouquin rapelle ce si cher LQR de Eric Hazan, dont la dernière partie, de Sparte à "attentif ensemble" était si révélatrice d'un mouvement similaire dans le lexique médiatique. Dans Misères, l'on analyse aussi cette proximité avec le l'homme accomplit et dominateur du management (dominez sans contraintes, comprenez sans conscience), le rêve publicitaire (just do it - be yourself), et la philosophie de la gauche morale, celle de l'ingérence humanitaire et de Kouchner.
Si Nietzsche rejete la philosophie, c'est aussi par son rejet de la raison ( cf Lukacs, La Destruction de la raison, ouvrage important duement cité), de la démarche scientifique en générale, de la pensée systématique (tiens tiens, en criant au passage au point Goodwin, il faut vite aller lire ce qu'en dit V. Klemperer dans LTI).
Enfin, si l'ouvrage se réfère souvent à Heidegger, il n'en donne pas les raisons. Je suggèrerait ici
Emmanuel Faye, "Heidegger, l'introduction de national-socialisme dans la philophie", d'une autre trempe que ce bouquin, et qui amène des points nombreux, précis, indiscutables, là où Aymeric Monville présente une courte mais salutaire vue d'ensemble. En tout cas son livre fait sens à la fois dans la continuité historique et dans le panel de l'aujourd'hui en France.
Un bref exposé de comment des penseurs de gauches sapent l'importance de la lutte des classes comme compréhension de la société capitaliste. A l'espoir d'une révolution portée par la classe opprimée, ils préfèrent des micros révolutions comportementales plutôt bourgeoises, en tout cas néo-capitaliste, c'est à dire de sa nouvelle forme financiere (celle qui rentre par Giscard en France). Un oubli complet de "united we stand, divided we fall". On retrouve cité Michel Clouscard bien entendu, mais j'aimerais rajouté ici "La Métamorphose du bourgeois" de Jacques Ellul, qui déjà avant 1968 présentait l'idéal du bonheur et le jouissez sans entrave comme un accomplissement essentiellement bourgeois (et donc un leurre pour les autres, "qui jouit et de quoi ?" demande Aymeric Monville). La transformation de la bougeoisie foncière patriarcale en une bourgeoisie financière pseudo-nomade qui asservit idéologiquement le secteur tertiaire et les classes moyennes par le bonheur de la consommation de masse.
Il présente comment Nietsche balance "d'un coup d'épaule" toute la philosophie avant lui, de Socrate à Hegel. "Avec les juifs commence le soulevement des esclaves dans la morale". C'est ce que rejète Nietzsche. Et cette idée ne peut effectivement pas être de gauche. Un anarchiste a montré l'importance de ce point, Les pogroms débutent dans la tête - Wolfgang Haug.
Vers la fin, l'auteur s'attache a montré que "on n'a aucun besoin d'avoir lu un philosophe pour être influencé par lui dans sa vision du monde (...)" [citation très drole par la suite de Georges Lukacs, le philosophe hongrois]. Il montre comment la pensée de Nietzsche se developpe danns la conscience collective par sa banalisation à différents niveaux éditoriaux et médiatiques. Non pas qu'il s'agisse d' "un complot de l'inteligentsia contre le peuple de France, mais de cerner la domination de classe par où elle s'exprime le plus explicitement". - Cette phrase est importante, car en même temps elle montre une certaine proximité de pensée entre le fascisme et le communisme, pourquoi il est logique que le premier construise sur les ruines du dernier, en même temps elle montre la ligne de demarcation, la lutte des classes et les contradictions qu'elle révèle, qui sont des outils de decryptage bien utiles, reposant sur une comprehension materialiste de la situation pour ne pas s'égarer dans le fumeux. - D'ailleurs cette partie du bouquin rapelle ce si cher LQR de Eric Hazan, dont la dernière partie, de Sparte à "attentif ensemble" était si révélatrice d'un mouvement similaire dans le lexique médiatique. Dans Misères, l'on analyse aussi cette proximité avec le l'homme accomplit et dominateur du management (dominez sans contraintes, comprenez sans conscience), le rêve publicitaire (just do it - be yourself), et la philosophie de la gauche morale, celle de l'ingérence humanitaire et de Kouchner.
Si Nietzsche rejete la philosophie, c'est aussi par son rejet de la raison ( cf Lukacs, La Destruction de la raison, ouvrage important duement cité), de la démarche scientifique en générale, de la pensée systématique (tiens tiens, en criant au passage au point Goodwin, il faut vite aller lire ce qu'en dit V. Klemperer dans LTI).
Enfin, si l'ouvrage se réfère souvent à Heidegger, il n'en donne pas les raisons. Je suggèrerait ici
Emmanuel Faye, "Heidegger, l'introduction de national-socialisme dans la philophie", d'une autre trempe que ce bouquin, et qui amène des points nombreux, précis, indiscutables, là où Aymeric Monville présente une courte mais salutaire vue d'ensemble. En tout cas son livre fait sens à la fois dans la continuité historique et dans le panel de l'aujourd'hui en France.